De Roller, haut-commissaire de la République en Polynésie française, est en visite à Tahiti.
Costume crème trop étroit sur le dos, mocassins espadrilles aux pieds, il apparaît dans les salons officiels, dans les halls d’hôtel ou au Paradise (boîte de nuit faite lieu politique), et berce la population locale de banalités au style enlevé et de promesses de coups de pouce.
Rapidement, lui parviennent les raisons de la tension ambiante qu’il ressent depuis son arrivée. Une rumeur se fait persistante : la France projetterait la reprise des essais nucléaires autour de l’île. Bien que De Roller les démente, le doute est permis quant à sa sincérité. Sa gouaille approximative de politicien, son ton affable teinté de paternalisme post-colonial et son jargon d’une inanité comique nous empêchent de le cerner, moralement comme intellectuellement.
Tandis qu’on le soupçonne de mentir allègrement à la population, sa surprise lorsqu’il croit apercevoir un sous-marin dans la baie nous révèle qu’on l’a peut-être, lui aussi, tenu éloigné de l’agenda militaire français.
Alors, il enquête : il s’entretient avec les locaux influents dont il veut se faire ou se faire croire l’allié, et teste son rapport de force avec les marins français qui rodent sur l’île et se saoulent au Paradise. Parmi ses alliés, Shannah, chargée d’être ses yeux et ses oreilles auprès des marins et dont on ne sait si l’apparente allégeance au technocrate est sincère.
Les teints chauds de la sublime photographie d’Artur Tort, le soin donné à la composition des plans et la patience du montage donnent une dimension paranoïaque à la mise en scène, résolument envoûtante.