Décrié à sa sortie, Nocturama connaît depuis peu un étonnant regain d’intérêt. Subversif et radical, le film de Bertrand Bonello met en scène le désarroi d’une jeunesse désenchantée.
Des bancs de Sciences Po à ceux d’une cité parisienne, une dizaine de jeunes qu’a priori tout oppose s’élancent dans la préparation et l’exécution d’attentats à Paris – jusqu’à se retrancher dans un Grand Magasin à la tombée la nuit, au moment où celui-ci ferme ses portes. Sorti en salles quelques mois seulement après la vague d’attentats terroristes survenue en France, l’écriture de Nocturama avait pourtant débuté plusieurs années auparavant. Quoique cela n’ait pas empêché certains de condamner « l’irresponsabilité » de Bertrand Bonello, ce diptyque connaît depuis un regain d’intérêt auprès du jeune public.
Si la révolte politique et le rejet de la société de consommation ont toujours traversé l’œuvre de Bertrand Bonello, jamais cette thématique ne s’était-elle exprimée sous la forme de la violence de rue – comme s’il s’agissait là du dernier ressort d’une jeunesse désœuvrée, en proie à sa propre insignifiance. Nocturama retranscrit avec minutie et poésie la colère diffuse de ses protagonistes, dont l’objet de la rébellion n’est jamais explicitement nommé et vise des symboles disparates. Par cette abstraction, Bertrand Bonello cherche bien davantage à capter l’ambiguïté idéologique de ses personnages – qui ne se reconnaissent plus dans un monde postmoderne mondialisé et désincarné, sans pour autant parvenir à s’imaginer une contre-société. Le grand magasin dans lequel ils trouvent refuge incarne ce malaise civilisationnel, entre nihilisme et consumérisme – ce que nous fait ressentir la mise en scène conceptuelle de Bertrand Bonello, qui voit dans Nocturama le seul et unique « film d’horreur » de sa carrière.
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